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PEINTURE ET MUSIQUE, UNE LONGUE HISTOIRE DE VIBRATIONS
Le questionnement sur la synesthésie des sons et des couleurs a été mille fois posé dans le passé par de nombreux artistes et scientifiques. Existe-t-il réellement un rapport scientifique incontestable entre vibration sonore et vibration des couleurs ou est-ce une appréciation subjective ?
En 1575, le peintre italien Arcimboldo développe un projet de transfert de la musique en valeurs de couleurs, convaincu que peinture et musique obéissent aux mêmes lois : "il existe une relation fixe entre les proportions harmoniques des tons et les demi-teintes des couleurs".
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En 1740, le mathématicien Louis-Bertrand Castel défend l'art en mouvement et publie "l'optique des couleurs", un ouvrage dans lequel il expose sa théorie : "l'œil est affecté par la succession des couleurs comme l'oreille est affectée par la succession des sons".
En 1906, le compositeur Arnold Schönberg peint régulièrement pendant une dizaine d'années, parallèlement à son travail de musicien. Pour ce compositeur, il s'agit de "peindre l'âme". Sa démarche aura une grande influence sur les recherches musicales de l'inventeur du dodécaphonisme.
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En 1912, le peintre russe Vassily Kandinsky peint "l'Arc Noir", une œuvre totalement abstraite dans laquelle le mouvement et la spontanéité des formes et des couleurs cherchent à restituer la musique de Wagner. Au-delà du peintre, Kandinsky se sent alors "chef d'orchestre" de sa toile et qualifie son sujet "d'abstraction lyrique". Il définit également les oppositions de formes comme des "dramas", allusion à peine voilée aux opéras. Delaunay et Kandinsky seront des complices historiques du rapport entre entre musique et peinture. Leurs démarches abstraites sont restées dans la mémoire collective comme des ondes visuelles évidentes.
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En 1915, le compositeur Alexandre Scriabine invente son clavier à lumières, dit "Luce". La partition du « Luce » est notée sur une portée en clé de sol en deux parties, l'une suivant l'échelle chromatique, l'autre suivant le cycle des quintes.
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En 1919, le compositeur danois Thomas Wilfred développe un orgue de couleurs qu'il baptiste "Clavilux" voulu comme des "lumières jouées par les touches".
En 1925, le pianiste et compositeur hongrois Alexander László écrit le texte "Color-Light-Music" et fait une tournée en Europe avec un orgue à couleurs. Le « Fablichtklavier » (pianoforté couleur) est décrit dans le livre, « Fablichtmusic ».
En 1926, le compositeur et chef d'orchestre tchèque Miroslav Ponc présente à l'exposition DevÄ›tsil de Prague, un modèle de « musique de couleur » permettant la connexion mécanique de la musique, des mots, des lumières et des couleurs.
Vers 1950, le compositeur Olivier Messiaen confiait son penchant pour la synesthésie des sons et des couleurs : "Comme les sons bougent, changent, se meuvent, les couleurs remuent avec eux en de perpétuelles transformations".
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La liste de ces exemples est loin d'être exhaustive !
Toutes les recherches de ces personnages illustres étaient fondées sur des approches théoriques, mathématiques ou intellectuelles qui tentaient de mettre à jour une logique "mécanique" entre vibrations sonores et vibrations des couleurs. Pour Mathias Duhamel, la plus belle approche est encore celle de Mark Rothko qui confiait : "je suis devenu peintre parce que je voulais élever la peinture au même niveau d’intensité que la musique et la poésie".
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Car relier un note à une couleur de façon statique n'a aucun sens en soi. La musique ne peut se résumer à des sonorités séparées. Pas plus que la peinture à des tubes de couleurs indépendants. Le point commun de ces 2 arts ne peut venir que de leur "défilement dans le temps".
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Références :
Jean-Yves Bosseur, compositeur : "Peinture et Musique"
Léopold Tobisch : "Voir la musique" émission France Musique
Pascale Bouhenic, réalisatrice : Mark Rothko, "la peinture vous regarde"
Philharmonie de Paris : Musique et Arts Visuels / Musique et Peinture